Troubles bipolaires : Des modifications cérébrales anormales au fil du temps ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 28 novembre 2021

Le trouble bipolaire désigne une pathologie psychiatrique grave qui se caractérise par des variations disproportionnées de l’humeur. Et si cette maladie finissait par altérer structurellement le cerveau ? C’est ce que suggère une récente étude selon laquelle les troubles bipolaires provoqueraient au fil du temps des modifications cérébrales anormales. On fait le point.

modifications cérébrales

Bipolarité : des conséquences sur le cerveau à déterminer

En France, on estime que 1 à 2,5 % de la population souffre de troubles bipolaires (ou psychose maniaco-dépressive). Cette pathologie psychiatrique grave se caractérise par des variations disproportionnées de l’humeur. Les épisodes maniaques ou hypomaniaques (agitation, euphorie exagérée) alternent en effet avec des épisodes dépressifs et des moments de rémission. De ce fait, ce trouble impacte de façon importante la qualité de vie du patient au quotidien.

La communauté scientifique soupçonne depuis longtemps que les troubles bipolaires s’accompagnent de changements structurels et fonctionnels anormaux dans le cerveau. Des études de faible effectif portant sur l’imagerie cérébrale de patients souffrant de ces troubles ont d’ailleurs déjà fourni des indices sur l’existence de ces changements. Pour autant, la capacité des chercheurs à interpréter ces données collectées à un moment donné est toujours restée limitée. D’où l’intérêt de mener des études plus larges et sur le long terme.

Dans ce contexte, une équipe internationale de chercheurs a mis sur pied une étude longitudinale multicentrique de grande ampleur pour étudier ces modifications cérébrales chez les patients souffrant de troubles bipolaires.

Des modifications cérébrales anormales chez les patients bipolaires

Cette large étude a réuni plus de 70 chercheurs du groupe de travail ENIGMA sur les troubles bipolaires. Pour mener à bien leurs travaux, les scientifiques ont recueilli les IRM (imageries par résonance magnétique) et les données cliniques détaillées de :

  • 307 patients atteints de troubles bipolaires
  • 925 témoins sains
  • Répartis au sein de 14 sites cliniques dans le monde.

Les participants ont ensuite été évalués à deux moments distincts, allant de six mois à neuf ans d’intervalle. Les scientifiques ont alors pu observer au fil du temps des modifications cérébrales anormales chez les patients souffrant de troubles bipolaires. Parmi ces modifications, certaines étaient spécifiquement associées à davantage d’épisodes maniaques.

C’est ainsi qu’ils ont pu remarquer que le cortex (la couche la plus externe du cerveau) s’amincissait davantage avec le temps chez les personnes ayant connu plus d’épisodes maniaques. Les changements étaient les plus évidents dans le cortex préfrontal, une zone associée au contrôle exécutif et à la régulation des émotions. Chez les patients n’ayant pas de manie, il n’a été en revanche montré ni amincissement cortical ni épaississement cortical. Les IRM cérébrales des patients atteints de troubles bipolaires ont par ailleurs montré un élargissement plus rapide des ventricules cérébraux en comparaison aux IRM réalisées chez les personnes saines.

À savoir ! Les ventricules cérébraux désignent dans le cerveau des cavités qui contiennent du liquide céphalo-rachidien.

Mieux comprendre l’impact des troubles bipolaires sur le cerveau

Pour l’auteur principal de cette étude, ces résultats, publiés dans la revue Biological Psychiatry, fournissent de nouveaux indices sur les effets structurels des troubles bipolaires sur le cerveau au fil du temps. L’association entre l’amincissement cortical et les symptômes maniaques ainsi que l’élargissement anormal des ventricules cérébraux indiquent que le trouble bipolaire pourrait être un trouble neurologique progressif. Et cette hypothèse expliquerait l’aggravation des symptômes bipolaires chez certains patients.

Pour le rédacteur en chef du Biological Psychiatry, cette étude internationale a permis d’obtenir l’une des images les plus claires de l’impact délétère des troubles bipolaires et des épisodes maniaques sur le cerveau.

Ces conclusions soulignent l’importance des traitements en prévention des troubles de l’humeur. Elles incitent également la communauté scientifique à approfondir les connaissances sur les mécanismes progressifs impliqués dans les troubles bipolaires pour à terme pouvoir optimiser les solutions thérapeutiques existantes.

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– Abnormal brain changes over time with bipolar disorder. sciencedaily.com. Consulté le 24 novembre 2021.