Du nouveau sur l’origine des troubles bipolaires ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 13 mai 2021

Et si l’origine des troubles bipolaires allait bientôt être révélée ? C’est ce que suggère une récente étude américaine qui vient de découvrir que les perturbations d’une voie biochimique cérébrale peuvent entraîner des modifications caractéristiques des troubles bipolaires au sein du cerveau.

Origine des troubles bipolaires

Une origine des troubles bipolaires à clarifier

En France, on estime que 1 à 2,5 % de la population souffre de troubles bipolaires. Anciennement appelée psychose maniaco-dépressive, cette pathologie psychiatrique figurant parmi les plus graves se caractérise par des variations disproportionnées de l’humeur. Les épisodes maniaques ou hypomaniaques (agitation, euphorie exagérée) alternent avec des épisodes dépressifs et des moments de rémission.

D’après la communauté scientifique, l’origine des troubles bipolaires est très possiblement liée à la génétique avec une forte prédisposition familiale. Cette prédisposition serait déterminée par un ensemble de gènes dont l’influence reste encore à éclaircir.

À savoir ! La maniaco-dépression touche autant les hommes que les femmes. Mais le risque d’en être atteint est augmenté lorsqu’un membre de la famille proche en souffre déjà.

Dans ce contexte, une récente étude américaine suggère que l’origine des troubles bipolaires pourraient se trouver dans la perturbation d’une voie biochimique cérébrale.

Identification d’un mécanisme clé

Des scientifiques de l’université du Wisconsin-Madison ont en effet publié le 24 mars dernier dans la revue Neuron les résultats de leurs travaux. D’après cette étude, des perturbations localisées au niveau d’une protéine appelée Akt pourraient entraîner des modifications cérébrales caractéristiques du trouble bipolaire.

La protéine Akt est une « protéine kinase » dont le rôle consiste à catalyser les réactions de phosphorylation impliquées dans l’activité des cellules.

À savoir ! Les réactions de phosphorylation consistent en l’ajout d’un ion phosphate à une molécule cible (protéine, lipide ou sucre). Les mécanismes de phosphorylation-déphosphorylation sont extrêmement courants pour réguler l’activité des cellules.

Les marqueurs de phosphate ajoutés peuvent alors agir comme des interrupteurs « marche / arrêt » et modifier le fonctionnement des autres protéines, influençant finalement les fonctions vitales de l’organisme. Au  niveau des neurones, ces fonctions peuvent inclure la signalisation cellulaire, avec un impact possible sur la pensée et l’humeur de l’individu.

Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques ont ainsi évalué l’activité de la protéine Akt à partir d’échantillons de tissus cérébraux prélevés au niveau du cortex préfrontal sur différents groupes de donneurs :

  • Donneurs décédés atteints de schizophrénie
  • Donneurs décédés atteints de trouble bipolaire sans psychose
  • Donneurs décédés atteints de trouble bipolaire avec psychose
  • Donneurs décédés sains

À savoir ! Le cortex préfrontal est une zone située en avant du cerveau et qui constitue une région clé impliquée dans la régulation cognitive et émotionnelle. Cette région est affectée en cas de troubles bipolaires.

En mesurant le nombre et la variété des marqueurs de phosphate sur les protéines contrôlées par la protéine kinase Akt dans les échantillons de tissus, les chercheurs ont pu avoir une idée de l’activité globale de la voie Akt/mTOR.

À savoir ! La voie AKT/mTOR est une voie de signalisation intracellulaire composée de différentes protéines kinases activées en cascade.

C’est ainsi que les scientifiques ont découvert que l’activité de la voie Akt/mTOR était réduite au niveau d’une région cérébrale cruciale pour l’attention et la mémoire. Cette observation a néanmoins concerné un seul groupe de donneurs : celui des hommes atteints de trouble bipolaire sans psychose.

Forts de ce constat, les scientifiques ont ensuite cherché à savoir quelles répercussions cette réduction d’activité de la voie Akt/mTOR aurait dans le cerveau. Pour ce faire, ils ont fait parvenir des protéines Akt déficientes au niveau du cortex préfrontal d’une population de souris. Les chercheurs ont alors pu constater que perturber la voie Akt/mTOR chez la souris semblait reproduire des aspects du trouble bipolaire humain (problèmes de mémoire et connexions neuronales plus faibles).

Vers une meilleure compréhension de la biochimie du cerveau

Si ces résultats fournissent un premier lien clair entre troubles bipolaires et une origine génétique précise, de nombreuses questions restent en suspens. Comme le fait de savoir pourquoi les échantillons issus de femmes atteintes de troubles bipolaires n’ont pas montré les mêmes changements dans l’activité Akt-mTOR que les hommes ?  De plus amples recherches sur le sujet s’avèrent donc nécessaires d’autant que de nombreux autres gènes sont impliqués dans  les troubles bipolaires et pourraient avoir joué un rôle plus important dans les autres groupes de donneurs étudiés.

Ces résultats ouvrent la voie à de futurs travaux sur le traitement des déficiences cognitives liées aux troubles bipolaires, comme la perte de mémoire. D’ici là, les auteurs de l’étude ambitionnent déjà de découvrir dans quelle mesure la voie Akt influence la mémoire. Affaire à suivre !

 Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– Disrupted biochemical pathway in the brain linked to bipolar disorder. sciencedaily.com. Consulté le 4 mai 2021.
– Les causes des troubles bipolaires. vidal.fr. Consulté le 4 mai 2021.
– Troubles bipolaires : diagnostiquer plus tôt pour réduire le risque suicidaire. has-sante.fr. Consulté le 4 mai 2021.